Depuis leur première apparition il y a une dizaine d’années, les jeux de deckbuilding ont envahit la scène ludique. C’est un terme que vous retrouverez régulièrement dans les descriptifs des jeux sur ce site, mais également dans notre bouche si vous venez nous demander conseil. Explications.
Avant toute chose, il est important de préciser ce que n’est pas le deckbuilding. Bien souvent, il est associé à tort aux jeux de cartes à collectionner tels que Magic the Gathering ou les cartes Pokemon. S’il est vrai que dans ces jeux les joueurs doivent construire leur paquet de cartes avant d’affronter leurs adversaires, cela se fait en amont de la partie et non pendant celle-ci. Or, le deckbuilding en tant que mécanique de jeu est un procédé ludique qui intègre l’élaboration de son paquet de cartes durant la partie et en fait même l’enjeu principal. Nulle notion de cartes à collectionner ou de course à la rareté, ici tous les joueurs profitent du même capital de départ.
Le plus souvent, lorsque la partie commence, chaque joueur dispose d’une pioche identique d’une dizaine de cartes. A son tour de jeu, le joueur actif va piocher généralement la moitié des cartes de son paquet et réaliser son tour de jeu en fonction.
En jouant ses cartes, il aura accès à différentes actions en lien avec le thème ou l’objectif du jeu. Parmi elles, il y en a une qui revient systématiquement, c’est d’utiliser les points d’achat octroyés par les cartes jouées afin d’en acquérir de nouvelles dans un marché commun. Puis, toutes les cartes jouées et achetées ce tour-ci sont placées dans la défausse du joueur.
Au début de son 3e tour, sa pioche sera vide. Il mélangera alors sa défausse et piochera une nouvelle main de cartes. Et là, tout l’intérêt de ce concept, c’est qu’il pourra tomber sur les cartes acquises lors de ses deux premiers tours qui vont être beaucoup plus intéressantes que les cartes de départ ! Cela lui permettra à la fois d’être plus efficace dans son jeu, mais aussi de personnaliser sa stratégie par rapport à ses adversaires !
L’enjeu devient alors de construire sa pioche de façon suffisamment réfléchie pour que son jeu soit plus performant afin de marquer des points de victoire, attaquer son adversaire ou interagir avec un éventuel plateau de jeu selon l’objectif du jeu.
Et de Clank ça date ?
Traditionnellement, on considère que le premier jeu de deckbuilding est Dominion, de Donald X. Vaccarino. Publié en 2008, ce titre a été un véritable raz-de-marée, raflant de nombreux prix dont le prestigieux Spiel des Jahres. Pour la petite anecdote, il s’est d’ailleurs assez peu vendu en Allemagne pour un titre récompensé, jugé trop complexe par le public. Cela a conduit le jury à primer par la suite des jeux bien plus accessibles, ce qui lui est régulièrement reproché.
Pourtant, Dominion n’est probablement pas le premier jeu à avoir inventé cette mécanique. En 2007, l’adaptation en jeu de plateau de Starcraft utilisait un principe similaire au milieu de très nombreuses règles. Deux différences toutefois : la première c’est que le deckbuilding n’était pas au cœur du jeu, la seconde c’est que chaque joueur avait accès à des cartes différentes plutôt qu’à une réserve commune. Dominion n’est donc pas tout-à-fait l’inventeur du concept (même si les auteurs ont probablement développer leurs idées en parallèle), mais c’est celui qui l’a popularisé.
Dominion le monde
Très rapidement après la sortie de Dominion, de nombreux épigones ont vu le jour et ont voulu surfer sur la vague en tentant de corriger les défauts du précurseur : Thunderstone a par exemple intégré un thème beaucoup plus présent avec une dimension aventure ; dans Trains les joueurs construisaient leur pioche dans l’optique d’établir un réseau ferré sur un plateau commun ; Ascension a proposé un univers graphique moins consensuel etc. Pourtant, dans un premier temps, ils restaient globalement moins bons, moins profonds ou moins variés que l’original.
Toutefois, avec le temps les jeux reposant sur cette mécanique se sont multipliés et bonifiés, apportant de nouvelles idées. A Few Acres of Snow, bien que terriblement imparfait, a amené une profondeur de jeu et une richesse incroyable dans l’interaction qu’il proposait entre le plateau de jeu et la pioche symbolisant la gestion et les ressources d’un empire.
D’autres titres ont préféré jouer la carte de la coopération. Cette mécanique est aujourd’hui idéale pour tous les éditeurs souhaitant proposer des jeux à licence, alternant le très bon (Legendary Marvel, Harry Potter) ou le plus dispensable.
Enfin, dernière caractéristique forte, bien qu’ils soient généralement dotés d’une belle rejouabilité, ce sont des titres qui se prêtent assez bien aux extensions. Les plus gros succès récents du genre y ont allégrement recours en proposant de nouvelles cartes et mécaniques de jeu (Star Realms, Hero Realms) ou de nouveaux plateau (Clank) pour varier les plaisirs.
Si ce principe de jeu était avant tout très mécanique à l’origine, il est amusant de noter que les auteurs tentent davantage de mettre le thème au cœur du jeu désormais. C’était déjà un peu le cas avec Clank qui a apporté pour la première fois une vraie dose de fun aux parties avec ses mécanismes de prise de risque. Plus généralement, on observe l’apparition de boites proposant des sortes de mini campagne : c’est le cas avec Harry Potter et ses 7 compartiments reprenant la trame des romans de J.K. Rowling, ou avec le très attendu Clank Legacy qui pointera son nez début 2021.
Enfin, il est à noter que l’idée a été déclinée ces dernières années en des principes relativement similaires dans des jeux de bag building où les joueurs récupèrent des cubes ou des jetons qu’ils placent dans un sac dans lequel ils piochent en début de tour (Orléans, les Charlatans de Belcastel) voire même où ils construisent carrément les faces de leurs dés (Dice Forge).
L’El Dorado du jeu ?
Le deckbuilding est une des mécaniques les plus appréciées par l’équipe. Souvent dynamique, elle confère aux titres une belle rejouabilité et des sensations de combos très agréables (sans l’investissement des jeux de cartes à collectionner). Basée sur la constitution d’un moteur et d’une vraie montée en puissance en cours de partie, mais avec une touche d’aléa et d’opportunisme, elle est souvent excellente (voire idéale) à 2 joueurs.
En revanche, on peut lui reprocher que l’expérience fait souvent la différence face à des joueurs débutants et d’offrir des tours de jeux parfois un peu longs si on joue à plus de 2 joueurs. Mécanique un peu technique, elle est difficilement jouable pour les enfants avant 8 ans (souvent beaucoup de lecture et une anticipation pas évidente à appréhender), même si des propositions récentes, comme El Dorado ou Kibrul, tentent d’ouvrir le principe à un public plus large.
Retrouvez tous nos jeux de deckbuilding et nos chouchous :
Clank (Nico)
Star Realms / Hero Realms (JP)
El Dorado (Lenny)
Harry Potter (Julien)
Aeon’s End (Léo)