Un coup de cœur, ce n’est pas forcément pour un titre récent. Et en l’occurence, ici, on est sur une belle antiquité. Stupide Vautour est même ce que l’on pourrait appeler un classique. Mais un classique quelque peu méconnu en comparaison des autres titres de la même collection.
Edité aujourd’hui dans une belle boite métal made in Gigamic au côté de 6 qui prend, Saboteur ou encore Bohnanza, Stupide Vautour n’a, chez nous, pas la même aura que ses glorieux compères malgré une première édition qui date de 1988. Et pourtant, derrière des règles d’une grande épure, se cache un petit bijoux de subtilité.
Stupide Vautour est un jeu de Double Guessing (voir ici pour plus de détails), le fameux « je pense que tu penses que je pense » dont les parties ne dépassent pas une petite dizaine de minutes et qui s’enchainent très naturellement.
Simple comme vautour
Son principe est très simple. Chaque joueur possède 15 cartes numérotées de 1 à 15. A chaque tour, les joueurs vont simultanément et secrètement choisir une de leurs cartes qui n’a pas encore été jouée. Lorsque tout le monde aura fait son choix, les cartes seront révélées et on regardera ce qui se passe. Au centre de la table, se trouve une pile de 15 cartes Points dont les valeurs vont de -5 jusqu’à 15 (pas de 0). Avant que les joueurs ne choisissent une carte, la première carte Point est révélée.
Si elle est positive, c’est le joueur qui aura joué la carte de plus haute valeur qui l’emportera. Inversement, si elle est négative, c’est celui qui aura joué la plus faible qui devra ramasser ce malus !
Le petit twist ? Dans un cas comme dans l’autre si deux joueurs ont joué des cartes de mêmes valeurs, elles s’annulent et on attribue la carte Point au joueur suivant dans l’ordre des valeurs !
Et c’est tout ! Et pourtant, que c’est fun, que c’est fin et malin ! J’ai toujours un peu de mal à comprendre pourquoi un jeu comme 6 qui prend à davantage de succès que Stupide Vautour.
Un jeu qui vau(ldé)tour
On est constamment en train d’essayer de deviner les cartes que vont jouer nos adversaires en fonction de ce qu’ils ont déjà sorti et de la situation : « Vous avez tout intérêt à jouer votre 15, donc je vais jouer mon 14 car vous allez vous annuler… mais si vous avez la même réflexion que moi, vous allez jouer votre 14 aussi et je vais me faire avoir, donc je vais jouer mon 15 ! » Et généralement… vous vous retrouvez piégé parce qu’un copain autour de la table a pensé exactement comme vous.
Cette petite mécanique des égalités qui s’annulent fait tout le sel du jeu. Elle a depuis été repris dans de nombreux titres, comme Las Vegas par exemple.
Stupide Vautour est né de l’esprit du génial Alex Randolph, le père du jeu de société contemporain grâce auquel le monde du jeu aujourd’hui est probablement ce qu’il est. Il a posé les bases du game design moderne dès les années 1960 et a influencé toute une génération d’auteurs, dont les auteurs allemands comme Wolfgang Kramer, l’auteur de… 6 qui prend.
Si on devait lui trouver des défauts (je parle du jeu, pas d’Alex Randoplh), on pourrait dire qu’il n’a que peu d’intérêt à 2 joueurs et que son édition ne lui rend pas vraiment hommage. On ne comprend pas bien ce que ces vautours et ces souris viennent faire là dedans. Alors qu’avec une belle édition un peu classouille et plus neutre (comme Filosofia en avait fait pour Parade ou Arboretum, ou plus récemment la nouvelle édition de Tichu), le jeu aurait probablement bien plus de succès.