On vous propose d’embarquer pour quelques articles dont le but sera de vous faire voyager à travers les siècles pour découvrir ensemble l’histoire du jeu de société. Pour commencer, nous allons vous dresser un petit aperçu de ce que vous pourrez découvrir tout au long de cette série qui s’étalera sur plusieurs semaines.
L’histoire du jeu est quelque chose de complexe à appréhender car, pendant 2500 ans, cela n’a intéressé personne. A vrai dire, pas sûr que ça intéresse grand monde encore aujourd’hui à part Florian, moi et 2-3 chercheurs un peu égarés, mais l’envie est là de vous faire partager cette petite présentation. En France, à part le magnifique travail de Jean-Marie Lhôte (Histoire des Jeux de Société), pas grand chose à se mettre sous la dent. Et encore, son travail est aujourd’hui probablement un peu daté et surtout n’aborde pas du tout la question du jeu contemporain. Le concernant, on trouve quelques ouvrages plus ciblés sur des personnalités contemporaines (Gary Gygax, le papa de Dungeons & Dragons) ou des types de jeu (la récente Grande Aventure du jeu de rôle par exemple) mais pas vraiment d’ouvrage complet.
Une histoire à dormir debout
Alors, pourquoi personne ne s’est intéressé à l’Histoire du Jeu ? Tout simplement parce que, depuis toujours, il est considéré comme futile, inutile, voire dangereux. Difficile dès lors, d’imaginer penseurs et chercheurs se lancer dans une étude détaillée. Il n’y a qu’à voir aujourd’hui encore, les difficultés rencontrées par tous les gens travaillant dans ce milieu pour faire valoir leurs compétences. Combien de ludothécaires ont entendu un jour « ah bah, vous devez jouer toute la journée, il est cool votre job‘ » ? Et encore, dans ces cas là, ils s’estiment souvent heureux que leur interlocuteur sache ce qu’est un ludothécaire et qu’il ne croie pas avoir entendu « bibliothécaire« . Notez que cela fonctionne également pour les ludicaires comme nous !
Ces difficultés concernant l’étude du jeu sont d’ailleurs à mettre en parallèle avec celles sur le jouet qui ne sont pas mieux considérées. Une petite mise en garde an passage : nous allons bien parler ici de l’histoire du jeu de société et non pas de celle du jouet. Qu’est-ce qui différencie l’un de l’autre ? Si l’on se réfère aux systèmes de classement des objets ludiques utilisés par les ludothécaires, ce qui va différencier le jeu de société des autres formes de jeu, c’est la règle. Ces jeux de règles sont d’ailleurs la seule forme de jeu dans laquelle le joueur n’est pas libre de faire ce qu’il veut comme dans le jeu d’imitation, de construction ou d’éveil, mais aussi la seule où il y a un gagnant à la fin.
Ceci étant posé, pour bien appréhender et comprendre l’histoire du jeu, il faut avant tout différencier les 3 formes distinctes de jeu de règles que l’on retrouve aujourd’hui sur les étals.
Le but du jeu
En premier lieu, nous trouvons les jeux dits traditionnels. Ce sont tous les jeux dont nous ne connaissons pas l’auteur et dont il n’est pas évident de retrouver l’origine. Ceux que tout le monde connaît, qui se transmettent oralement de génération en génération et dont on trouve pour certains, autant de variantes qu’il existe de régions. On retrouve dans cette catégorie toutes les stars (échecs, go, petits chevaux, awalé ou encore backgammon) mais aussi tous les jeux de cartes traditionnels (belote, tarot, bataille etc.).
Dans la seconde moitié du XIXe sont apparus les jeux d’édition. On entend par là, tous les jeux qui ne rentrent pas dans la première catégorie et qui sont donc des jeux originaux ou pensés comme tels avec une vraie volonté commerciale. Le XXe siècle a vu ces jeux se développer et apparaître les grands classiques ainsi que les jeux plus modernes tels que ceux que vous trouvez chez Archi Chouette. On distingue aujourd’hui ces deux courants, à savoir les jeux de grande distribution (Risk, Monopoly, Uno etc.) et les jeux contemporains. Cette distinction est d’ailleurs celle retenue par un chercheur australien dans une thèse récente (Stuart Woods, Eurogames : the design, culture and play of modern european board games). Les Anglo-Saxons ont même un terme particulièrement efficace et difficile à traduire pour définir ce jeu de société contemporain sous toutes ses formes (plateaux, figurines, jeu de rôle, cartes à collectionner etc.) : les « Hobby Games« .
Nous avons donc décidé de retracer toute cette histoire des jeux plus ou moins brièvement. La première série de papiers sera consacrée aux jeux traditionnels de leurs premières mentions dans les mythes et leur lien avec le sacré, jusqu’à l’apparition des casinos. Quand nous aurons parcourus ces 5000 ans d’histoire, une deuxième série d’articles mettra un peu en avant ces jeux de grande distribution qui semblent si éloignés de nous mais sans qui nous ne serions pas là aujourd’hui ! Enfin, et ça sera la grosse partie, je vous ferai un topo sur ces Hobby Games et leur évolution depuis leur apparition dans les années 1950, jusqu’à l’émergence du phénomène Kickstarter et le développement du courant narratif.